INTRODUCTION
Il y a quelques mois, la planète entière faisait face à la crise de la COVID-19. Alors que la situation en Europe s’améliore chaque jour, que le déconfinement et l’ouverture des frontières sont d’actualité, certains pays du monde sont encore en lutte contre ce virus.
Pour cette semaine spéciale consacrée aux réfugiés, nous avons décidé d’examiner comment la période du confinement a été vécue du point de vue des réfugiés et migrants, notamment en Grèce et en France. Crise sanitaire, mais également crise économique qui a touché toutes les catégories de population, son impact a été encore plus important sur les plus précaires, les réfugiés.
Comment les réfugiés ont-ils vécu la période du confinement alors que la plupart n’ont comme seul domicile la rue où règne promiscuité, difficulté d’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins ? Comment ont-ils fait face à la fermeture des frontières, des administrations et même de certaines associations ?
EN FRANCE La situation des migrants pendant le confinement
Le confinement, les gestes barrières, la distanciation sociale, « restez à la maison », qu’en est-il des migrants qui n’ont comme seul domicile la rue.
Comment le confinement décrété le 17 mars par le gouvernement a-t-il pu être respecté par les sans-abris ? Quelles mesures ont été prises par l’État pour éviter la propagation du virus dans les rues où règnent promiscuité, difficulté d’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins.
La gestion des regroupements dans le nord et à Paris
En France on retrouve principalement les regroupements de migrants dans des zones proches de la Manche. Leur but ultime est pour la plupart de se rendre en Angleterre ou encore à Paris.
Calais et Grande-Synthe regroupent environ 2000 migrants vivant dans des conditions d’hygiène déplorables et de grande promiscuité, tente contre tente.
Le 1er avril deux personnes ont été testés positifs à la Covid-19 et ont été placés à l’isolement dans des appartements dédiés. Par peur de la propagation du virus, les évacuations et mises à l’abri se sont succédées dans des centres d’hébergement réquisitionnés (centres de vacances, hôtels, gymnases), mais uniquement sur la base du volontariat. Selon les chiffres de la préfecture du Pas-de-Calais, 327 migrants volontaires ont été ainsi mis à l’abri.
A Paris des migrants continuaient de vivre à la rue. C’était principalement le cas dans le nord-est de la capitale et en périphérie, dans les villes de Saint-Denis et d’Aubervilliers. Elles rencontraient continuellement de grandes difficultés pour avoir accès à l’alimentation, à l’eau, à l’hygiène, aux soins et à l’hébergement. Trois opérations de démantèlement de leurs campements ont eu lieu le 7 avril, 15 avril et 8 mai. De plus plusieurs centaines de migrants vivant dans des tentes à Aubervilliers ont été sommé de quitter les lieux le 24 mars. Ils ont été mis à l’abri dans des gymnases et hôtels parisiens réquisitionnés à cet effet. Ils ont été examinés par MSF pour isoler d’éventuelles personnes atteintes du coronavirus. Plus de 1 200 personnes ont été mises à l’abri en Seine-Saint-Denis, dont plus de 1 000 dans des hôtels.
Pour lutter contre la propagation du virus, des pancartes ont été mise en place pour expliquer la situation et les mesures barrières. Mais comment faire pour expliquer dans toutes les langues le virus, le mode de contamination, les mesures barrières ou encore comment appelé le 15 sans téléphone chargé.
Détecter les symptômes du coronavirus avant que la personne contamine les autres nécessite également un accès aux soins. On peut souligner l’existence des permanences aux soins de santé (Pass). Ces dernières sont des services au sein de l’hôpital à destination des plus précaires, mais également une clinique mobile de MSF à Paris et leurs deux équipes mobiles en cas d’urgence. A cela s’ajoutait deux centres d’hébergements spécialisés, les centres Covid-19 pour permettre l’isolement des personnes contaminées.
A Calais des maraudes sanitaires regroupant la Croix-Rouge, l’Agence régionale de santé, la Pass et Médecins du Monde informaient et examinaient les migrants.
Fin avril une centaine de migrants étaient déjà revenus dans les campements. Sans compter ceux qui :
- y étaient restés,
- venaient d’arriver malgré la fermeture théorique des frontières et
- ne pouvaient subvenir à leurs besoins et qui ont perdu leur travail et leur logement.
A noter également que le nombre de migrants ayant essayé de rejoindre l’Angleterre n’avait pas cessé vue les conditions climatiques clémentes en avril et mai.
La plupart des associations présentes avaient aussi diminuées leurs activités faute de bénévoles, souvent âgés et donc plus à risque. Plusieurs bénévoles d’associations d’aide aux migrants ont été verbalisés pour « non-respect des règles de confinement » selon l’association Utopia 56 lors de leur maraude.
L’arrêt de l’administration
De nombreux services administratifs étaient à l’arrêt ou leur fonctionnement fortement ralenti. Ceci a impacté sur la situation des migrants fraîchement arrivés ou ceux dans l’attente de l’étude de leur dossier. La lenteur du traitement des dossiers induite par le confinement et la pandémie risquaient de mettre ces personnes dans une situation irrégulière : détention administrative ou expulsion, mais également privation de leurs droits sociaux.
Le 18 mars, le gouvernement a annoncé le prolongement exceptionnel de 3 mois de la durée de validité des titres de séjour déjà délivrés pour les étrangers en France, les attestations de demande d’asile ou les autorisations provisoires de séjour, ainsi que la continuité de leurs droits.
Les personnes tout juste arrivées sur le territoire, qui n’ont pas encore pu déposer leur demande d’asile se retrouvaient devant des portes closes tant au niveau des préfectures que des associations. Ils ne pouvaient donc plus être inscrits comme demandeurs d’asile. Ils ne pouvaient plus bénéficier des droits sociaux afférents comme l’Allocation pour demandeurs d’asile, l’hébergement ou la protection universelle maladie.
Concernant le droit à hébergement pour les demandeurs d’asile, les choses étaient plus compliquées. Sans départ, en cette période, des déboutés ou des réfugiés des Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), le dispositif était plein à 97 %. Le 115 leur étaient ouverts mais ce dispositif était déjà saturé. Sans hébergement, ces migrants privés d’accès à la demande d’asile étaient donc en théorie expulsables. Mais avec la fermeture des frontières et avec la restriction des liaisons aériennes, ces expulsions étaient depuis, de facto, impossible.
Plusieurs députés avaient demandé au gouvernement de régulariser les sans-papiers, comme cela avait été fait au Portugal (régularisation provisoire jusqu’au 30 juin), pour leur permettre d’accéder aux soins et de se confiner.
Les agriculteurs étaient confrontés, quant à eux à une pénurie de main-d’œuvre. Le préfet de Seine-et-Marne avait décidé de faire appel à des migrants pour travailler sur les exploitations agricoles du département. Ainsi 56 migrants, issus de cinq centres d’hébergement provisoires du département, avaient répondu à un « encouragement à aller travailler ». Des sans-papiers avaient également décidé d’aider via des groupes Facebook ou WhatsApps. Jonson, demandeur d’asile ivoirien vivant dans un centre d’hébergement de Paris, couturier de profession et d’autres résidents ont fabriqué 300 masques par jour pour « participer à l’effort national ».
Le virus et le confinement ont été un obstacle supplémentaire sur leur chemin d’une vie meilleure.